Françoise Huguier, « les pilleuses d’épaves » en pays Bigouden.

Françoise Huguier
Françoise Huguier, « les pilleuses d’épaves », tirage à 6 exemplaires, 2018. Disponible-Available à la galerie Brugal

« En souvenir du bris. Je connais l’existence des pilleuses d’épaves en pays bigouden, qui, pendant des siècles, sont allées « au bris » et le sujet me passionne, mais je veux éviter l’écueil folklorique. (…) En 1737, « L’Heureuse Marie », un gros navire marchand de Saint-Malo rempli de savons s’écrase en baie d’Audierne. Les habitants de Plozévet se précipitent dès la cargaison échouée sur la plage sur plusieurs kilomètres, les riverains se servent les premiers, dans une course de vitesse avec les représentants de l’Amirauté. Il faut travailler vite et en nombre, femmes et enfants sont réquisitionnés, le savon est une denrée rare qui peut se vendre ou s’échanger facilement.(…) Les planches de ce qu’il reste de la coque du navire, mât et vergue, servent aussi aux bigoudens. Mais hommes et femmes n’usent pas de violence physique, ils se contentent de voler les marchandises et le vêtements de l’équipage. Le « bris » leur apparait comme une réparation légitime à une vie de misère. Faire une reconstitution sociologique de l’histoire des pilleuses me parait indispensable. Les marchandises trouvées sur les bateaux échouées – huile, laine, vin, savon – permettaient d’améliorer l’ordinaire où tout manquait, et la population était pilleuse d’épave collectivement, en foule, comme elle était chrétienne, par hérédité, en famille et dès l’enfance. Les Bigoudens sont des résistants et c’est ça qui me plait. Après la baie d’Audierne, en allant vers le Guilvinec, la côte est très rocheuse. Ces impressionnantes roches granitiques sculptées par les tempêtes ont pris au fil du temps des allures de goélands, de caïmans…Je photographie d’abord les rochers, comme un gigantesque zoo. Aujourd’hui le phare d’Eckmülh éclaire l’un des points les plus dangereux de la côte bretonne, mais auparavant, les navires, venus d’Angleterre, des Antilles ou d’ailleurs, venaient se briser sur les récifs. La tradition « d’aller au bris » a perduré jusqu’à 1897, année de l’inauguration du phare, et encore un peu après. (…) Le cercle celtique de Plonéour-Lanvern possède des costumes en toile noire, très simples et très rustres, le koeffbleo (support de la coiffe) m’inspire esthétiquement et, quand je présente mon projet aux femmes, elles sont excitées. Les costumes que portent les femmes sur les photos étaient leur tenue de travail, pas celle des jours de fête. (…) Les femmes guettent l’horizon marin, prient, implorent le Ciel… (…) Je choisis de photographier en hiver, où la mer est davantage déchainée, en écho à la peinture. Mon travail photographique est souvent davantage documentaire, ici j’ai laissé mon imagination sentimentale me guider, en lien avec la vie des gens. Mes parents, mes ancêtres, sont bigoudens et ce mélange de violence et de religion, me constitue. La religion peut aussi intégrer la sauvagerie, les pilleuses prient le Bon Dieu pour que le bateau se brise. » Texte de Françoise Huguier et Valérie Dereux.

Françoise Huguier
Françoise Huguier, « les pilleuses d’épaves », tirage à 6 exemplaires, 2018. Disponible-Available à la galerie Brugal

Françoise Huguier

En 1972, Françoise Huguier débute comme photographe free-lance. En 1983, le journal Libération lui offre la possibilité de photographier les mondes du cinéma, de la politique, de la culture et de la mode aussi bien en France qu’à l’étranger. Parallèlement, elle commence un travail personnel sur l’Afrique, la Sibérie, le Japon, la Russie, l’Inde, la mode … En 1989, elle se rend en Afrique, sur les pas de Michel Leiris, ce qui lui inspire un premier ouvrage, « Sur les traces de L’Afrique fantôme » , récompensé par la Villa Médicis hors les murs. En 1991, Françoise Huguier photographie à Bamako le coup d’état contre Moussa Traoré. Quelques années plus tard, en 1993, l’Académie de France à Rome la consacre à nouveau pour le livre « En route pour Behring », journal de bord d’un voyage solitaire en Sibérie. En 1994, elle crée la première Biennale de la photographie de Bamako au Mali, où elle découvre les photographes Seydou Keïta et Malick Sidibé. Grâce aux liens tissés au cours de son premier séjour en Afrique, Françoise Huguier retourne au Burkina Faso et au Mali pour photographier l’intimité des femmes africaines. De ce travail naît « Secrètes » , un ouvrage édité chez Actes Sud en 1996. Deux ans plus tard, elle expose « À l’extrême » à la Maison Européenne de la Photographie, fruit d’un travail de plusieurs années dans le Kwazulu-Natal en Afrique du Sud. En 1999, paraît également l’ouvrage « Sublimes » , résultat de son expérience de photographe de mode dans les années 1980 et 1990. De 2000 à 2007, Françoise séjourne deux mois par an au sein d’appartements communautaires à Saint-Pétersbourg. De cette immersion au cœur des reliquats de la période soviétique, elle ramène des images ainsi qu’un film. En 2008, « Kommunalka » fait l’objet d’une exposition aux Rencontres de la photographie d’Arles, où elle est l’invitée d’honneur de Christian Lacroix. S’en suit une publication, « Kommunalki » paru chez Actes Sud. La même année « Kommunalka» – film documentaire long métrage – est présenté au Festival de Cannes dans la sélection parallèle l’ACID (Association du cinéma indépendant pour sa diffusion). Elle obtient le Prix Anna Politkovskaïa au 31e festival international de films de femmes de Créteil. En 2004, Françoise retourne pour la première fois au Cambodge, cinquante ans après l’avoir quitté. Un voyage émouvant sur les traces de son enfance prisonnière des Vietminh. En résidence d’artiste à Singapour en 2009, elle travaille sur un nouveau projet, les classes moyennes dans les HDB (Housing Development Board).

Parallèlement à son activité d’artiste photographe, Françoise Huguier est régulièrement sollicitée afin d’assurer le commissariat d’expositions et de biennales. En 2011, elle reçoit cette même année le Prix de l’Académie des Beaux-Arts pour son projet sur les classes moyennes en Asie du Sud-Est à l’aube du XXIe siècle. En 2012, Frédéric Mitterrand lui remet les insignes d’Officier des Arts et des Lettres. En 2014 se tient la rétrospective Françoise Huguier « Pince-moi je rêve » à la Maison Européenne de la Photographie. Pour le Mois de la Photo 2017, Françoise Huguier présente son projet « Grand Paris. L’approche intimiste de Françoise Huguier », un travail réalisé pour la Société du Grand Paris, pour lequel, pendant trois ans, elle est allée à la rencontre des familles habitant près des futures gares. En 2018 sort l’album « 100 photos de Françoise Huguier pour la liberté de la presse » de Reporters sans Frontières. En 2020, les éditions Filigranes publient « La curieuse », ouvrage rassemblant les images et objets glanés au fil des voyages de Françoise Huguier. Au cours de l’été de la même année, son « bazar zoulou » fait l’objet d’une exposition « Les curiosités du monde de Françoise Huguier » au Musée du Quai Branly – Jacques Chirac.

Max Jacob et les danseuses de ballets.

max jacob
Max Jacob (1876-1944), les ballerines, 1935,
gouache, signée et datée en bas et à droite, 40x52cm,
Vendu-Sold

Max Jacob, né à Quimper et mort à Drancy, fut l’un des grands artistes de la première moitié du XXème siècle. A la fois, poète, romancier et peintre, il fut précurseur de Dada puis du surréalisme sans y adhérer, il bouleverse de son vers libre et burlesque la poésie française dès 1917, après avoir renoncé à sa carrière de journaliste auprès d’Alphonse Allais et s’être intimement lié à Pablo Picasso, Guillaume Apollinaire, André Salmon, Marie Laurencin, Amedeo Modigliani.

En janvier 1903, Max Jacob emménage 33 boulevard Barbès, au pied de la butte Montmartre. C’est la misère noire. L’artiste dépense avec ses amis le peu de pension qu’il reçoit de son père en mauvais vin au Lapin Agile et autres guinguettes. Il survit grâce à de petits métiers, balayeur, garde d’enfants… Déguisé en disciple de l’École de Pont-Aven, il porte le costume glazic de son Quimper natal, s’initie en autodidacte à la poésie et à la gouache, et essaie de vendre ses œuvres le soir dans les cafés du quartier de Montmartre.

En 1907, il s’installe dans une des chambrettes du Bateau-Lavoir, 7 rue Ravignan, où Pablo Picasso et Juan Gris ont la leur. Trois ans plus tôt, quand Picasso s’y était installé, c’était lui qui avait donné le nom de « lavoir » à cette résidence d’artistes sordide dont l’escalier central évoque un bastingage, car il n’y a, dans toute cette maison qu’il appellera l' »Acropole du cubisme » , qu’un seul et unique point d’eau. La millionnaire américaine Gertrude Stein soutient Picasso, en revanche, les gouaches de Max Jacob, que Daniel-Henry Kahnweiler expose, ne se vendent guère, mais la galerie de la rue Vignon attire les amateurs de nouveauté et facilite les échanges intellectuels.

Max Jacob traversa tout ce début du XXème siècle, aux côtés des plus grands avant-gardistes de la période, des plus grands intellectuels, faisant parti des différents mouvements et courants, mais aussi toujours balancé, bousculé par la vie et les conditions matérielles, personnalité faite de contradictions, aux multiples facettes que tous les contemporains de l’artiste ont remarquées.

Expositions:

Gouaches et dessins, Galerie Bernheim-Jeune, Paris, 8-20 mars 1920.

P. Quiniou, Hommage à Max Jacob, Musée des Beaux Arts, Quimper, 17 juin-15 août 1961.

Les Amis de Max Jacob, Hommage à Max Jacob, Musée de Montmartre, Paris, 25 octobre 1976-30 janvier 1977.

Le Scouëzec, le breton de Montparnasse!

Maurice  Le Scouëzec
Maurice Le Scouëzec (1881-1940)
« femme au ruban », (portrait de Mathilde Merle, femme de l’artiste)
huile sur papier marouflée sur toile, cachet d’atelier et datée « 19 august 1918« ,
65cm x 46cm
Vendu-Sold

Dès 1917, Maurice Le Scouëzec (Le Mans 1881 – Douarnenez1940) fréquente tous les grands artistes de Montparnasse, autour de Modigliani et de Picasso. Aventurier autant que matelot anarchiste, il va sillonner les océans, la Nouvelle Calédonie, Madagascar et l’Afrique noire, notamment, sans oublier sa Bretagne!

Il ne cessera de représenter les paysages aux couleurs fortes et les corps ployés ou posés. Plus qu’un peintre voyageur, amateur d’exotisme ou de pittoresque, Le Scouëzec est un artiste passionné et exigeant, qui a été toute sa vie en quête de ces mouvements fugaces où se trahit en un instant la vérité d’un monde.

Celui qui fût tour à tour pilotin sur de grands voiliers, soldat et déserteur, globe trotteur et aventurier est surtout un immense artiste qui a laissé une abondante œuvre picturale redécouverte ces dernières années. Plus de 3.700 tableaux, aquarelles et dessins ont été retrouvés.

Ami de Modigliani et de Foujita, Le Scouêzec exposait dans les mêmes galeries que Lautrec ou Picasso. Ses portraits de groupe, ses nus, rappellent l’expressionnisme allemand des années 1920. Il vivra les dernières années de sa vie en Bretagne dans le Finistère, sa peinture devient plus sensible quoique toujours un peu fruste. C’est alors qu’il composera l’immense fresque de la Chapelle Saint Roch à Pont d’Ouilly, près de Falaise.

C’est Henri Le Bal qui, dans son récent essai « Le Scouêzec Montparnasse », en parle le mieux : « Il peint au couteau par grand à plat écrasé, la matière est charnelle, riche généreuse… Un mec  sauvage brut qui peint avec férocité, une force libre et un cœur libre… A l’heure ou d’autres écrivaient avec les mots des tranchées je pense à Céline, il peint des mers bretonnes ocres, des mers pour foutre le camp.»

Mais que ce soit à Montparnasse, en Afrique ou à Madagascar Maurice Le Scouêzec est toujours resté fidèle à ses racines celtes. « Partir donc…Quitter tout, aller là bas, marcher, crever, vivre, avoir de l’air. » répondait l’artiste, éternel insoumis, regardant à la fin de sa vie l’horizon de l’occident celtique des îles de Sein et d’Ouessant.

 

 

Edmond Aman-Jean, le dernier impressionniste.

Aman-Jean
Edmond AMAN-JEAN (1858-1936), jeune femme rousse, c.1905,
huile sur toile, signée en bas et à droite, 46x38cm
Vendu-Sold

Edmond Aman-Jean se lie d’amitié avec Georges Seurat à l’école municipale de dessin en 1877, à Paris. L’année suivante, il entre aux Beaux-Arts dans l’atelier d’Henri Lehman.

En 1879, il est admis au Salon des Artistes français, et il partage un atelier avec Seurat. Il voyage à partir de 1885 en Italie avec Ernest Laurent et Henri Martin, où il va subir l’influence des primitifs.

En 1892, Aman-Jean rejoint les salons de la SNBA et de la Rose-Croix ; il se lie avec Verlaine, dont il fera des portraits. En 1896, il rejoint la Société internationale chez Georges Petit, et effectue son premier envoi au Carnegie Institute de Pittsburgh.

Portraitiste à la mode, Aman-Jean passe régulièrement ses hivers en Amérique et ses étés à Château-Thierry dans la maison de son cousin Jules Maciet qui lui commande plusieurs décorations monumentales.

En 1913, il écrit une monographie sur le peintre Vélasquez. Après 1914, sa manière s’assombrit. Il va se lier à partir du début des années 1920, a de nombreux artistes japonais.

« Ses figures sont des soeurs des vierges de Dante ou de Botticelli…Sur leurs traits l’image d’un idéal et le symbole d’une spiritualité, qui sont parfois les nôtres, nous pénétra d’un frisson. » Henry Bérenger

« Peu de peintres dotent, aussi délicatement que lui, d’un charme tendre et pénétrant, les scènes d’intimité embrumées de mystère et de mélancolie, comme certains poèmes de Verlaine. » Frantz Jourdain

Georges Sabbagh, une peinture sculpturale.

georges sabbagh
Georges Hanna Sabbagh (1887-1951), nu en bord de mer, 1928,
huile sur toile, signée et datée en bas et à gauche, 100x73cm
Vendu-Sold

Georges Sabbagh est un peintre de portraits, nus, paysages, natures mortes, pastelliste, aquarelliste, graveur.

C’est en France que cet artiste assura le développement de sa carrière. Il fut à Paris, l’élève de Maurice Denis, Paul Sérusier et de Félix Valloton. Il fut professeur à l’académie Ranson à Paris et à l’école des beaux-arts du Caire.
Il exposa à Paris au Salon d’Automne, des Indépendants, des Tuileries. Il a pris part à des expositions à Amsterdam, Bruxelles, Gand, Genève, Lausanne, Londres, Stockholm…Le Salon d’Automne lui consacra en 1952 et en 1987 une importante exposition rétrospective, ainsi que: 1953 Le Caire; 1984 Salon des Indépendants; 1988 mairie de Perros-Guirec; 1990-1991 musée de Boulogne-Billancourt.
Georges Sabbagh fut le peintre à la fois élégant et robuste de portraits, nus, paysages de Bretagne et du Caire, et de natures mortes. Influencés par les Nabis, Cézanne et le cubisme. Il se forgea un style personnel, dans des compositions architecturées par la géométrisation des volumes. Dans une pâte généreuse, il simplifie les plans, adopte une palette sobre peu contrastée (tons d’ocres, de terres) conférant à ses oeuvres une monumentalité certaine. Dans les années trente, conservant une composition simple, ses oeuvres deviennent plus expressionnistes car plus spontanées et la palette s’enrichit de couleurs plus diversifiées.

Ses œuvres sont présentes dans les musées : Beauvais – Beyrouth – Boulogne-Billancourt – Le Caire – Genève – Grenoble – Le Havre – Paris (musée d’Art Moderne de la Ville) – Philadelphie – Saint-Germain-en-Laye (musée Maurice Denis) – Tourcoing – Verdun.

Bibliographie:
Catalogue de l’exposition: Georges Sabbagh, 1887-1951, Musée Boulogne-Billancourt, 1990
G.H.Sabbagh. Tout l’oeuvre peint. Jean et Pierre Sabbagh, Paris, 1995.

Georges Sabbagh et ses amis peintres de la Bretagne, Perros-Guirec, 1988